dimanche 5 mai 2013

Il a vu




Les yeux tournés, les yeux pointés, les yeux tendus
Nourris de barrières, de pavés, de pâtures, de clochers
Emplis de buées, de pylônes, de chevaux
De biclous, de bylettes et de tacots.



Il vit, il a vu
Les théories de pavillons, les colonies de ronds-points
Les champs jusqu'à l'horizon, la majesté des moulins
Les gens et leurs questions, les passants pressés et leurs raisons

Il vit, il a vu
Les gamins en VTT, les amoureux guettant l'été
Les célibataires en PMU, des mères isolées qui n'en peuvent plus

Il a vu les rivières vives à l'air usé, les 4 voies à travers tout
Les hangars et leurs coins droits, des nuages à perte de vue




Il vit, il a vu
Des cantonniers débonnaires, des palefreniers handicapés,
Des manipulateurs de géants et des musiciens du dimanche

Il a vu des parkings, des plans d'eau, des cités rénovés
des mongols authentiques, des usines cataleptiques
des fonctionnaires engagés, des fonctionnaires désengagés
des joueurs de boules et des buveurs de houle
des cafetiers nerveux et des chevaux de traits
des coupeurs de cheveux et des centres aérés


Il a vu des départementales, des chemins cantonaux
Entendu les carillons et les blagues des buveurs d'apéro
Les cernes des levés tôt  et des coups de pompes vespéraux
Des mongols d'Europe et des Européens venus de loin
Des collectionneurs de tractions, des innochins des corons
Des mononcles et ma tante en promenade pour le dessert
Des esseulés curieux de tout traversant leur désert
Des potchevleshs mayonnaises et des caisses de bière en frigidaire
Des dortoirs mis à l'envers, des bords de pâture jaunes et verts

Il vit, il a vu
Les herbes folles dans les fossés, des cadors et leurs poupées
De jeunes pères et leurs bébés, de vieilles mères déboussolées
Des kékés en cabriolet et des pépées endimanchées

Il vit, il a vu
Le petit talent des traiteurs, les pulvérisateurs de tracteurs
La lithanie des bandes blanches, l'entrelac des cieux et des branches
Les pissenlits jaunes dans l'herbe fraîche, le vent du nord à travers frênes
Le déroulé sans fin des câbles et des routes
De jeunes et de vieux fanas de foot

Il vit, il a vu
Des cyclotouristes bigarrés, des automobilistes énervés
Des autochtonoes éberlués et des écoliers dissipés

Il a vu la lente glaise du temps au pays brumeux des géants
Et les miracles du soleil dans les feuillages d'une région vieille
Et les semblables, les pas pareils
Les acariâtres, les débonnaires
Les humains et leurs oeillères et leurs regards et leurs oreilles

Il a vu les concours de vitesse ordinaire
Les pros du stress et leurs grands airs
Les vivants à contre courant, buveurs de temps à traits très lents

Il a vu des traces à travers tout
Traces de nature et d'égoûts
Traces de guerre et de mots doux
Traces de héros et de bourreaux
Il a vu ce que tu vis,
Ce que tu vois là où tu vas

Le Nord est comme à peu près tout
Un noeud de pollen et de boue
Où tout est dur et tout est doux.




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