lundi 6 mai 2013
dimanche 5 mai 2013
Il a vu
Les yeux tournés, les yeux pointés, les yeux tendus
Nourris de barrières, de pavés, de pâtures, de clochers
Emplis de buées, de pylônes, de chevaux
De biclous, de bylettes et de tacots.
Il vit, il a vu
Les théories de pavillons, les colonies de ronds-points
Les champs jusqu'à l'horizon, la majesté des moulins
Les gens et leurs questions, les passants pressés et leurs raisons
Il vit, il a vu
Les gamins en VTT, les amoureux guettant l'été
Les célibataires en PMU, des mères isolées qui n'en peuvent plus
Il a vu les rivières vives à l'air usé, les 4 voies à travers tout
Les hangars et leurs coins droits, des nuages à perte de vue
Il vit, il a vu
Des cantonniers débonnaires, des palefreniers handicapés,
Des manipulateurs de géants et des musiciens du dimanche
Il a vu des parkings, des plans d'eau, des cités rénovés
des mongols authentiques, des usines cataleptiques
des fonctionnaires engagés, des fonctionnaires désengagés
des joueurs de boules et des buveurs de houle
des cafetiers nerveux et des chevaux de traits
des coupeurs de cheveux et des centres aérés
Il a vu des départementales, des chemins cantonaux
Entendu les carillons et les blagues des buveurs d'apéro
Les cernes des levés tôt et des coups de pompes vespéraux
Des mongols d'Europe et des Européens venus de loin
Des collectionneurs de tractions, des innochins des corons
Des mononcles et ma tante en promenade pour le dessert
Des esseulés curieux de tout traversant leur désert
Des potchevleshs mayonnaises et des caisses de bière en frigidaire
Des dortoirs mis à l'envers, des bords de pâture jaunes et verts
Il vit, il a vu
Les herbes folles dans les fossés, des cadors et leurs poupées
De jeunes pères et leurs bébés, de vieilles mères déboussolées
Des kékés en cabriolet et des pépées endimanchées
Il vit, il a vu
Le petit talent des traiteurs, les pulvérisateurs de tracteurs
La lithanie des bandes blanches, l'entrelac des cieux et des branches
Les pissenlits jaunes dans l'herbe fraîche, le vent du nord à travers frênes
Le déroulé sans fin des câbles et des routes
De jeunes et de vieux fanas de foot
Il vit, il a vu
Des cyclotouristes bigarrés, des automobilistes énervés
Des autochtonoes éberlués et des écoliers dissipés
Il a vu la lente glaise du temps au pays brumeux des géants
Et les miracles du soleil dans les feuillages d'une région vieille
Et les semblables, les pas pareils
Les acariâtres, les débonnaires
Les humains et leurs oeillères et leurs regards et leurs oreilles
Il a vu les concours de vitesse ordinaire
Les pros du stress et leurs grands airs
Les vivants à contre courant, buveurs de temps à traits très lents
Il a vu des traces à travers tout
Traces de nature et d'égoûts
Traces de guerre et de mots doux
Traces de héros et de bourreaux
Il a vu ce que tu vis,
Ce que tu vois là où tu vas
Le Nord est comme à peu près tout
Un noeud de pollen et de boue
Où tout est dur et tout est doux.
samedi 4 mai 2013
A pas lents et de géants
A petits pas
De jets en jets
Elan est grand
Chemin est lent
Main dans la main
Petit et Grande
Vont sans effroi
Hors du temps
Au bord des Flandres
Tout près des belges
Deux sans papiers
A contretemps
Articulés comme vivants
Mais sans la chair et sans le sang
Manipulés par drôles de gens
Tantôt le Lent et Violette
Belle géante à jolie tête
Dans les éclats de carillons
Loin de nos heurts et de nos comptes
S'en vont gaiement vers d'autres vents.
Tantôt repéré à Bailleul
Il s'est échappé de la maison Valérie
à Montigny
Il a libéré Hariline des écuries de
Montigny
Il a tracé jusqu'aux confins du
Pévelle
Fut posé à Mouchin sur aquarelle
Il éclaira les rues d'Hantay,
gazons rasés, micro paradis privés
Il macula Sainghin de peinture débonnaire
Il fut aspiré par une yourte sur la
place de Rubrouck
S'évada de l'école de Le Nieppe
Se blessa dans les prés de
Buyscheure
Il fit l'ascension du Mont Cassel et
pédala sous les sabots de Philippe le Bon
Il se brisa la fourche en approchant de
Neuf-Berquin, fut dépanné par des gamins
Il fit l'écuyère à vélo sur le rond
point de Caestre au son de l'harmonie communale
Il fut champion de Boule Flamande au
bouloir de Boescheppe
Il fut bombardé de ballons, arraché à
la sieste par les poussins et benjamins footballeurs de Le Doulieu
Il fut drogué par les bénévoles du
CARC Hazebrouckois
Il fut sacré vainqueur du Tour des
Flandres sur la Grand Place d'Hazebrouck
Il tomba malencontreusement dans les
eaux wervicquoises de la Lys
Il fut repêché miraculeusement et
extrait des eaux de la Lys
Il traversa sans heurt la grand route
de Cantin
Lança sur les routes un peloton de
jeunes gens inspiré par ses traces
Embarqua sur l'étang de Noyelles
Débarqua sur les quais de Caudry
S'y lava à même la place
Il fendit l'air de Le Quesnoy, bravant
la gravité et la pesanteur
Il s'échappa de la maison de retraite
de Villereau
Fut projeté d'une traction
incontrôlable au cœur d'une fête capelloise
Fut tracté par un cheval de trait à travers la foule solesmoise.
Il brava le froid, traça des traits
Entre réverbères, cimetières,
Portes de cafés et passants étonnés
Longes à bidets, glissières de
sécurité
Parkings désertés, foules
endimanchées
Il ouvrit sur le Nord, des yeux
héberlués
Fit de laides frontières belles
absurdités
Hariline l'épaulant
Voici Tantôt arrivant
Dans la ville aux Monts de Flandres
Bailleul la Grande en bout de France
Tantôt ascendant descendant
Naïf et étonné sur l'échelle du
temps
Sa petite main dans celle d'une géante.
Ah ! Que le monde est grand !
J'ai en vue, j'ai envie
J'ai entendu le pas gigantesques et délicats de Violette sur l'asphalte bailleullois
Et j'ai envié les exploits légendaires de Binbin et Gayant
J'ai entendu dire des monts d'histoires sur le dos de Reuze Papa, de Djoos de Bolder, de Gayantin le musicien
J'ai entraperçu la Grande Gueuloute et la P'tite Chorchire, Marie Balmoche, Tisje Tasje et Hippolyte le Fromager
J'ai enlacé les bords de robe de Floris de Montmorency, de Laïte de Sainghin et de Barbarin le Seringueux
J'ai, en dedans des Flandres, dans la monotonie de la plaine et le moutonnement du ciel, compris pourquoi les gens d'ici rêvaient parfois d'enjamber les rivières et de fendre le vent, pourquoi il leur fallait des héros légendaires à grandes grandes jambes.
J'ai en tête des siècles de turlututus, de perruques criardes et de poils sous jarretelles dans l'odeur de friture et de bière.
Géants rires et géantes fêtes.
J'ai envie d'une main de deux mètres qui caresserait les jambes tentantes et titanesques de Violette.
J'ai en vue le jais de sa chevelure sur la toile blafarde du ciel et le grenat de sa jupe éclairant les fenêtres.
J'ai entrevu le temps passé à l'animer... Bénévoles qui la dressaient, la montaient, l'élevaient, pourriez-vous un court instant la redescendre, géante à hauteurs de nos petites jambes, que nous puissions ailleurs qu'au bas des jambes, l’embrasser ?
J'ai envie d'être géant et d'un pas léger enjamber toute frontière, embrasser d'un même élan après demain et avant hier. Enlacer du même geste toutes les gens et tous les temps. J'ai envie du mot LENT. J'ai envie du mot FIER.
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